Les étapes de fabrication d’un objet en céramique

A priori c’est comme une danse à 3 temps : le tournage, la décoration et la cuisson… En fait, c’est beaucoup plus complexe qu’il n’y paraît. Retour sur la création d’une pièce en grès.

Un processus bien précis


D’abord, la préparation de la terre. Il faut la battre pour enlever les bulles d’air, sinon la pièce explose au moment de la cuisson. J’utilise la technique du bélier qui consiste à faire rouler la terre sur elle-même au moins 50 fois par boule de terre (d’ailleurs on parle plutôt de balle de terre). C’est assez physique d’autant que chaque pain de terre à manipuler pèse 10 kg. J’avoue, cette technique porte bien son nom.

Tête de bélier

Ensuite, il faut apprendre à centrer la terre sur le tour. Là aussi, gros enjeu car si cette étape est mal réalisée, la pièce s’écroulera au moment de la montée. J’arrive pour l’instant à centrer 1.2 kg de terre ce qui correspond au poids pour tourner une assiette plate de 27 cm.

Le centrage

Une fois la terre centrée, on peut alors commencer à créer sa pièce. On est typiquement dans l’acquisition des gestes du tournage : percer puis ouvrir sa pièce, lisser le fond, monter en cylindre ou en bol, sortir sa pièce du tour… Il faut s’entrainer, recommencer, pratiquer sans cesse, sentir la terre, ses faiblesses, doser la vitesse du tour… Bref reproduire toujours les mêmes gestes, encore et encore… La patience est de mise, les gestes répétitifs mais quelle joie de voir sa pièce tournée, posée sur l’étagère !!! A cet instant, nous pouvons penser que le plus gros du travail est fait. Pas si sûre….

Pièces fraîchement tournées


La pièce doit sécher. Mais pas trop vite, sinon la terre se fend. Souvent d’ailleurs, nous couvrons les pièces avec un plastique pour permettre un séchage tout en douceur. La durée du séchage varie selon la taille de la pièce, la température de l’atelier, l’humidité de l’air…

Séchage au soleil

Lorsque sa consistance est cuir c’est-à-dire lorsque l’on peut toucher la pièce sans qu’elle se déforme, on passe à la phase du tournassage. C’est là qu’on enlève de la terre avec un outil (une mirette) pour travailler le pied et affiner la courbure de la pièce.

Tournassage

Une fois sèche, la pièce en terre crue est placée dans le four pour sa 1ère cuisson. Celle-ci se fait à basse températures – environ 980 °C – impressionnant pour une basse température, non ? On appelle cette précuisson le dégourdi. Son but est de sous-cuire la terre afin de pouvoir la décorer.

1ère cuisson
Ouverture du four 1ère cuisson

Pour le meilleur et pour le pire

L’émaillage consiste à finaliser la pièce en matière de couleur, de texture, de brillance et sert à vitrifier la pièce de façon à ce qu’elle devienne alimentaire. On ne peut pas choisir n’importe quel émail. Il doit être compatible avec la température de  cuisson du grès utilisé. L’émail se pose au pinceau ou par trempage de la pièce. Il doit être manipulé avec précaution car il peut être toxique pour la santé du potier. Et comme l’émail coûte très cher, il faut bien optimiser son utilisation et avoir un geste sûre lors de la pose.

Pose de l’émail au pinceau


J’ai eu beaucoup de déception à ce stade. Il m’est arrivé de sortir de belles pièces du tour et le rendu de l’émail après cuisson était une catastrophe.

Émail qui se rétracte

Vous l’aurez compris, avec la cuisson, une partie du résultat nous échappe entre explosion de la pièce, émail qui coule ou se rétracte… D’où mon challenge pour 2025 : maîtriser la chimie des émaux et créer mes propres recettes de couleurs à base de silice, de fondants et de stabilisateurs mais là il s’agira d’un nouvelle ère…

Une fois la pièce émaillée, arrive enfin la 2ème cuisson (aussi appelée la vitrification) celle dite à haute température autour de 1250° C !!! C’est là que l’émail va fusionner avec la terre rendant l’objet alimentaire. Je passe vite sur la partie cuisson mais l’apprentissage des courbes de cuissons en fonction de la terre et des émaux, c’est encore toute une histoire… J’essaye de trouver des grès tendres qui se cuisent autour de 1200 – 1220 degrés pour utiliser moins d’énergie. Mais d’une part si l’on cuit une terre à une température trop basse, son pourcentage de porosité reste élevé et d’autre part je peine à trouver des émaux compatibles.

Ouverture du four – 2ème cuisson

Voilà maintenant vous savez tout. Vous comprenez pourquoi les potières ont des gros bras musclés et pourquoi il faut compter en moyenne 4 à 5 semaines pour vous livrer une pièce. Alors pensez-y si vous avez des commandes, le céramiste a besoin de temps pour fabriquer un objet.

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